Revue / Journal / Edition
Profession éditeur : Paul Otchakovsky-Laurens. L’homme qui « parle par la bouche des autres »
PORTRAIT
Par Anne Maurel
A qui lui demande pourquoi le choix de ses initiales, P.O.L., pour la maison d’édition qu’il a fondée en 1983, Paul Otchakovsky-Laurens répond : « Je parle par la bouche des autres ». Réduction du nom ; homonymie avec le prénom, le « petit nom », affleurant malgré les points qui séparent les trois initiales.
Minceur voulue du « je ». D’abord un balbutiement: je parle par. Puis le souffle se libère, s’amplifie : trois, puis six syllabes je parle/par la bouche des autres ; du singulier au pluriel, de près à loin, de je à ils. Placée sous les initiales menues, une figure du jeu de go signifiant l’éternité, en hommage à Georges Perec dont Paul Otchakovsky-Laurens a publié La Vie mode d’emploi, en 1978, chez Hachette. Par, en français, est ambigu, hésite entre la valeur spatiale du per latin, à travers, et la signification instrumentale d’un au moyen de ou grâce à, entre toute-puissance – c’est ma voix seule qui résonne au travers des livres que je publie – et humilité – pour parler j’ai besoin de la bouche des autres.
Jean-Guy Coulange - Je descends la rue de Siam. Carnets sonores et photographiques
Jean-Guy COULANGE
Je descends la rue de Siam.
Carnets sonores et photographiques
récits / 128 pages / 14 x 21 cm / 16 euros
ISBN : 978-2-9552376-7-0
SORTIE EN LIBRAIRIE : 15/11/2016
EDITORIAL : A droite, le danger n'est pas que le FN
par Gwilherm Perthuis
Quinquennat oblige ; institutions de la Vème République, qui survalorisent l’élection présidentielle, obligent ; inconstances, faiblesses et trahisons du chef de l’état obligent. Cela fait quatre ans que la campagne pour l’élection de 2017 est ouverte. Quatre ans que des dizaines de prétendants se contentent de prétendre sans jamais démontrer, revendiquent sans trop argumenter, dénoncent en ayant très peu à proposer. Leur seul objectif, se montrer, exister médiatiquement, mais avec quelles idées ? Et sur quelle base les distinguer lors des primaires ? La couleur de la cravate ? Le degré de nervosité ? Leur position dans les sondages ?
Au nom du non
par Anthony Dufraisse
Manuel Cervera-Marzal, Les Nouveaux désobéissants : citoyens ou hors-la-loi ?
Lormont, Le Bord de l’eau, 2016, 161 p., 14 €.
La désobéissance civile renouvelle la démocratie, pose un essai de Manuel Cervera-Marzal, dont on peut regretter qu’il laisse de côté certaines questions d’ordre psychologique et idéologique, pourtant décisives pour une compréhension totale de ces mouvements et collectifs d’hommes et de femmes qui estiment devoir dire non.
Une invitation à la contemplation. Ugo Rondinone à Nîmes
par Gwilherm Perthuis
Ugo Rondinone. Becoming Soil
Carré d’art, Nîmes, jusqu’au 18/09/2016
Catalogue édité par Hatje Cantz, 2016, 100 p., 40 €.
L’artiste suisse Ugo Rondinone, installé à New York, était récemment le commissaire de la rétrospective consacrée au poète américain John Giorno au Palais de Tokyo. Jusqu’au 18 septembre, au Carré d’art de Nîmes, il présente un état de son propre travail en réunissant des pièces anciennes (sculptures, installations, dessins, peintures) et des séries encore ouvertes, en cours de création, tels que les grands nuages schématiques bleu ciel qui apportent un peu de couleur à une exposition très graphique. Elle se présente comme un sondage dans l’œuvre de Rondinone, un aperçu à l’instant T, une proposition circulaire dont on ne peut déterminer un début et une fin. L’inscription du geste artistique dans une temporalité est envisagée de manière contradictoire : les titres consistent en la date complète de réalisation de l’objet écrite en lettres capitales, sans espace, sur un cartel associé à l’œuvre et la détachent d’un continuum temporel, alors que les cadrans en verre teinté, des horloges sans aiguilles qui ponctuent le parcours ouvrent notre contemplation à un espace-temps illimité où les repères s’effacent.
La mise en mots : Aldo Manuzio, imprimeur humaniste
par Paul Ruellan
Aldo Manuzio. Il rinascimento di Venezia
Venise, Galerie de l’Académie, jusqu’au 19/06/2016
Catalogue édité par Marsilio Editori, 2016, 376 p., 45 €.
L’exposition « Lyon Renaissance – Arts et Humanisme », qui s’est tenue au musée des Beaux-Arts de Lyon à l’automne 2015, a permis de découvrir de nombreux chefs-d’œuvre de l’édition lyonnaise du XVIe siècle, notamment par la présence de livres illustrés. Lyon, carrefour européen, permettait la diffusion de l’iconographie nordique tout en recevant l’influence de l’Italie dans l’art de la typographie. « L’influence de l’Italie », c’est-à-dire de Venise, capitale de l’imprimerie, c’est-à-dire d’Aldo Manuzio, le maître du genre et figure incontournable de l’édition à la Renaissance. Au printemps 2016, une exposition remarquable se tenait à la Galerie de l’Académie à Venise : bel écho à l’événement lyonnais, celle-ci s’intitule « Aldo Manuzio – Renaissance à Venise». Le pari d’édifier une exposition autour d’une figure peu connue du grand public, et de surcroît non artiste au sens courant du terme, est réussi. On comprend pleinement le rôle central qui fut celui de l’imprimeur lettré, au tournant des XVe et XVIe siècles, dans la Sérénissime.
Perplexités shakespeariennes
par Daniel Bougnoux
Dans mon ouvrage Shakespeare. Le Choix du spectre comme autour de sa publication, dans divers articles ou entretiens à la radio, je m’interroge sur les conditions d’un surprenant mensonge : comment se fait-il qu’on sache si peu de choses sur la vie d’un des auteurs que nous aimons le plus, comment peut-on accepter la fable qui fait du bourgeois enrichi de Stratford-upon-Avon le père de textes aussi considérables, comment enfin cette mystification a-t-elle perduré et prospéré jusqu’à cette année du quatre-centième anniversaire, où l’on enterre une nouvelle fois « Shakespeare » dans un cerceuil qui n’est probablement pas le sien ?